2.12.09

interview Stevan Roudaut

Stevan Roudaut, vous allez dans le prochain album de Tao et vraisemblablement dans quelques pages des sorties Astrapi, vous occuper de la couleur des planches. N'est-ce pas difficile de vous fondre dans un univers déjà installé ? N'y a t-il pas de la frustration de ne pas pouvoir amener très vite des choses plus personnelles ?

La difficulté, ou tout du moins l'appréhension première, a été pour moi de satisfaire au mieux les auteurs et essentiellement Laurent. Nous nous connaissons tous les deux depuis le lycée (je n'ai pour l'instant pas eu le plaisir de rencontrer Nicolas) et avons, avec d'autres camarades, développé de nombreuses choses à notre adolescence. Du fait de son retour en Bretagne, nous nous voyons plus régulièrement et il y a quelques temps il m'a proposé la reprise des couleurs de Tao, submergé qu'il était de nombreux travaux. Je fus à la fois flatté et anxieux, ayant une fâcheuse tendance à craindre de décevoir, ce qui est exacerbé lorsqu'il s'agit de vieux camarades !
M'accaparer l'univers de Tao ne m'a pas posé de problèmes majeurs.
J'ai mis parfois un peu de temps à ajuster une cohérence chromatique
respectueuse de ce qui existait déjà. J'avoue que sur certaines pages
(des albums précédents) certains choix de couleurs m'ont surpris mais
j'essaie de rester le plus fidèle possible à ce qu'ont mis en place
les auteurs et qui contribue manifestement au succès de la série.
Quant à une éventuelle frustration de ne pas pouvoir amener des chose
plus personnelles, je ne pose pas la question pour l'instant. Je n'ai,
à l'heure actuelle, réalisé que 2 pages pour Astrapi (et une test au
préalable). Pages sur lesquelles, Laurent m'a signifié que, tout en
collant à ses propres réalisations couleurs, j'avais de-ci de-là
distillé des petites touches plus personnelles qui lui plaisaient
mais qui furent pour moi tout à fait inconscientes. Je pense que cela
se développera tout naturellement avec le temps.

Comment se passe le travail avec les deux auteurs de Tao ?

Comme je l'ai dit ci-dessus, je ne connais pas (encore !) Nicolas,
mais sur ce que j'ai fourni les retours du binôme furent très bons !
Il était envisagé au départ que j'assiste Laurent pour la mise en
couleurs, que je “dégrossisse” le travail et qu'ensuite il affine
l'ensemble. Au bout du compte, mon travail a trouvé écho auprès d'eux
et, sur le final cut, je n'ai eu que des broutilles à modifier (une
teinte de bâtiment, un col de kimono que j'avais mal interprété,...).
Je pense que les trois parties y trouvent leur compte. C'est un
nouveau boulot qui me plait (d'un point de vue et professionnel et
affectif), Laurent, je crois, se sent rassérené de pouvoir me déléguer
la totalité de la mise en couleurs, et Nicolas, manifestement, semble
trouver cette transition à son goût...

Les deux auteurs ont pratiqué (à leur petit niveau !) les arts martiaux, est-ce aussi votre cas ?

HOULÀ ! J'ai effectivement pratiqué un art martial, à un niveau
moindre encore et plutôt contre mon gré. J'étais un gamin très tonique
(hyperactif est un peu fort) ce qui a incité mes parents à m'inscrire
très jeune au judo. Hélas, la sauce n'a pas pris ! Je m'ennuyais
considérablement (désolé Laurent et Nicolas !), ne retenais jamais les
noms des prises, ai obtenu difficilement ma ceinture jaune (c'est dire
!) et j'ai surtout mis la honte à mon père qui, lorsqu'il venait me
récupérer, trouvait son rejeton incapable de se dégager d'une prise
pratiquée par... une fille (oui, c'était mixte et à ma décharge, elle
était super costaude !!).
Du coup, comme j'étais déjà très grand (je frise maintenant le mètre
95), je me suis tourné vers le basket que j'ai pratiqué pendant plus
de 20 ans, en décrochant 2 titres de champion de Bretagne cadets et
seniors (pas moi tout seul, hein !!).

Travaillez vous sur d'autres séries comme coloriste ?

Sur d'autres séries, non. En fait, j'ai plusieurs caquettes
professionnelles. J'ai débuté par la BD comme dessinateur (Lunatiks
avec D. Chauvel chez Delcourt), avant de me tourner vers
l'illustration (livres, presse, communication) et, lorsque je me suis
mis à l'informatique il y 5-6 ans, j'ai développé, en sus, du travail
de graphiste, de lettreur BD et de “coloriste”. Partageant jusqu'il y
a peu un atelier avec Christophe Lazé (illustrateur jeunesse), nous
avons développé des travaux en communs (pour les éditions Nathan,
Hatier, Gissserot,...) sur lesquels je réalise essentiellement de la
couleur. Quelques fois des strips mais surtout des illustrations
(cahiers scolaires, de coloriages, plaquettes de communication,...).
Je travaille actuellement, entre autres, comme graphiste/maquettiste
sur un ouvrage collectif autour du mouvement des Faucheurs
Volontaires, sur lequel je vais être amené à mettre en couleurs
certaines illustrations et pages de BD.
Je n'ai jamais vraiment cherché à développer ce statut de coloriste, à
la fois par manque d'opportunités et surtout par manque de confiance
vis-à-vis, non pas de mes compétences, mais plutôt de mes “choix”
artistiques (l'herbe est toujours plus verte chez les autres !).
Cependant, le travail sur Tao et les retours des auteurs me donnent
confiance. Qui sait ? Cela m'amènera peut-être à développer d'autres
choses dans ce registre-là ?

La BD jeunesse est un espace très particuliers dans l'univers de la
production BD, quel regard portez vous sur les productions Bayard ou Milan par exemple qui visent un "vrai" public d'enfants et non un "tout public" ?

Je n'ai pas de réel avis là-dessus d'une part parce que je n'ai pas
encore d'enfants (le premier est en route !) et d'autre part, même si
je regarde pratiquement tout ce qui peut être édité, je n'ai pas les
moyens de tout acheter et donc, encore moins, de tout lire. Ce que je
regrette beaucoup.
Je suis néanmoins très content que de telles productions existent et
trouvent leur place auprès du (ou d'un ?) public. Il me semble
qu'effectivement le milieu BD a souffert d'une véritable carence dans
le secteur jeunesse. Je pense à certains auteurs ou éditeurs qui ont
publié des ouvrages sous cet égide mais, même si c'est ou c'était de
très bonne qualité, ne s'adressaient pas au public ciblé.

Et plus précisément, même si c'est sûrement un peu difficile de vous
exprimez là dessus, quel regard portez vous sur la série Tao le petit samouraï ?

Bien avant que Laurent me sollicite pour rejoindre cette série,
j'avais feuilleté les albums (chose évidente lorsqu'il s'agit des
copains !) et avais trouvé cela sympathique. Des histoires, un dessin,
des couleurs simples et efficaces, tout un ensemble cohérent et qui
fonctionne très bien. Je me suis rendu compte, il y a peu, en offrant
des albums aux p'tits neveux et nièces ou aux enfants d'amis, du réel
engouement que suscite la série auprès du public qu'il vise ! Il y a
une sorte de Taomania indéniable, même si, je pense, les
“bien-pensants” de la BD portent dessus un regard tout ironique.

Merci et bon vent avec cette série !

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